quinta-feira, 10 de agosto de 2017

MAINTENANT quelle est la première disposition qu’une âme possédant la grâce sanctifiante, doit avoir au fond d’elle-même?


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Conférences sur la vie chrétienne – 3ème conférence


TROISIÈME CONFÉRENCE.
SOMMAIRE.
Nécessité de la grâce sanctifiante. — Elle donne à l’âme la vie, la grandeur et la richesse. — Dans quels rapports les hommes sont avec elle. — Elle produit d’abord dans l’âme la crainte de Dieu. — Combien cette crainte est nécessaire ; — Combien les Saintes Ecritures la recommandent. — Erreurs du XVII siècle à ce sujet.— Fausses tendances de notre époque.
Nous avons dans la dernière conférence posé certains principes préliminaires sans lesquels on ne s’entendrait pas dans l’enseignement de la Théologie ascétique. Maintenant nous pouvons entrer plus avant dans la question.
IL y a un point fondamental. Pour que l’ascèse puisse s’exercer avec fruit, il faut que la vie soit dans l’âme. Cette vie c’est la présence de Dieu comme principe de sanctification de toute âme qui veut se diriger vers lui : elle est gratuite et cependant indispensable pour adapter l’ âme à toute la suite. C’est la grâce sanctifiante qui est cette vie, puisque Dieu s’étant donné à nous comme fin et comme centre , nous ne sommes en rapport avec lui que par son amitié, que par les relations qui font qu’il a pris possession de nous, indépendamment de cette possession qui sera la vie béatifique.
DANS l’Évangile Notre Seigneur nous dit qu’il est la vie, et qu’il n’est venu dans ce monde que pour nous la donner, et nous la donner plus abondamment. Qu’est-ce que l’homme en dehors de cette vie ? C’est un homme mort ; parce qu’étant appelé à être en relation avec Dieu et ne possédant pas cette relation, il n’a plus que l’extérieur de la vie. Et les individus en qui la grâce sanctifiante n ‘ a jamais existé ont toujours été morts.
La est la grandeur du chrétien : le petit enfant qu’ on emporte des fonts après son baptême possède cette vie; il y a amitié entre Dieu et lui. Tout peut se bâtir sur ce fondement, mais si ce fondement venait à manquer il n’y aurait plus rien de possible. Il faut donc avoir une grande idée de cette union avec Dieu , qui est la condition sine qua non de toute ascèse chrétienne. Si cette vie n’existait pas, pourquoi travaillerait-on ? Toutes nos œuvres seraient stériles et hors de proportion avec ce don de la vie éternelle qui doit s’implanter en nous. Dieu donne cette vie de la grâce sanctifiante à l’homme, sans qu’il puisse la mériter. L’homme la perd par le péché mortel ; Dieu pourrait le laisser dans cet état de mort sans manquer à aucune de ses perfections, et ce n’est que – par une bonté plus merveilleuse et plus gratuite que Dieu redonne cette vie à l’homme.
IL faut comprendre combien cette vie est riche et abondante . Elle suppose l’adoption du Père éternel. Par la grâce, l’âme devient la fille du Père éternel : l’homme devient le frère de J. C., et a des droits à son héritagehœredes Dei, cohœredes autem Christi, dit l’apôtre. Ensuite il se fait une habitation du S. Esprit dans l’âme, il s’y regarde comme chez lui et il y opère en proportion du soin avec lequel on le seconde. Sa présence produit les sept dons : les uns ne sont qu’en germe et ne se développeront jamais chez plusieurs, comme le don de sagesse par exemple, qui n’est le partage que d’un petit nombre, quoique étant en puissance chez tous ; d’autres n’attendent que l’occasion pour produire leur floraison. Il faut partir de ce principe, ou on ne fait rien. Si ce fondement n ‘était pas posé tout manquerait de base.
QUELLE est la situation des hommes vis-à-vis de ce principe ? IL faut faire ici deux catégories :
La première qui est la moins nombreuse se compose de ceux qui n’ ont jamais laissé éteindre leur flambeau ; en sorte que sans interruption , il ira se perdre dans les splendeurs de l’ éternité. Leur marche a pu être très complète et bien droite, comme aussi il a pu s’y trouver des négligences, sans que la lumière s’éteigne.
Mais le plus grand nombre des hommes a perdu le principe de la vie spirituelle avant d’ atteindre l’ éternité. Seulement par la miséricorde de Dieu , ils l’ont recouvré. Quand ce malheur arrive c’ est un bouleversement terrible. L’âme est entièrement à la discrétion de Dieu qui n’ est nullement obligé de la remettre dans sa situation première , quoique dans sa miséricorde il le fasse sans cesse. Pour cela il a préparé le sacrement de pénitence, qui est la seconde planche de salut pour l’ homme naufragé. Voyez pour un grand nombre de saints , ce n’ est que grâce à cette ressource que 1′ édifice de la perfection a réussi à s’établir et à durer. Cette condition est très fréquente dans humanité.
CECI suppose une estime très profonde de la grâce sanctifiante. Nous sommes dans la situation d’un homme qui veut faire fortune. La première condition est de veiller à ce que ses fonds ne s’écoulent pas. Il a un regard soigneux de ce côté afin de n’être pas pris au dépourvu.
MAINTENANT quelle est la première disposition qu’une âme possédant la grâce sanctifiante, doit avoir au fond d’elle-même?
Nous l’apprenons par Isaïe, qui énumérant les dons du Saint-Esprit, commence par les plus élevés et arrive à la Crainte du Seigneur qui est le fondement de tout. L’homme qui aurait la grâce sanctifiante sans la Crainte de Dieu, serait très exposé. Voyez nos premiers parents : ils étaient aussi bien partagés que possible, une grâce sanctifiante abondante, aucun penchant au mal ; et cependant leur chute a été lamentable. Elle nous a tous entraînés dans une profonde misère et a nécessité un Rédempteur. La chose initiale à laquelle ils n’ont pas répondu assez a été la crainte de Dieu. Ils ont fermé les yeux de ce côté : cependant rien n’est plus à craindre que Dieu. Il a la force, la puissance. Nous sommes dans sa dépendance quant à notre être puisqu’il nous a créés, puisque notre conservation vient évidemment de lui et qu’ il est le maître de nos destinées.
IL semble que la crainte de Dieu soit une chose de simple bon sens, et pourtant il y a du mérite à l’avoir et à la développer. Voyez Eve. Pourquoi a-t- elle écouté le serpent ? Suivez la conversation : il se forme un nuage dans son intelligence : elle se rappelle que Dieu lui a dit : Tu mourras de mort
si
tu touches le fruit de cet arbreCependant elle laisse développer son appétit en ce sens. Pourquoi ? Il lui semble que Dieu n’est plus à craindre, qu’il ne pensera pas ou ne pourra pas accomplir sa menace ; et elle tombe dans l’abîme.
DONC on ne peut rien sans la crainte de Dieu. Ainsi le Saint Esprit , qui est si fort, si agissant dans l’âme, commence d’abord par produire cette disposition, en sorte que le chrétien se sente dans la dépendance d’un être très fort et implacable vis-à-vis du mal, et son attitude est tout de suite trouvée. Du reste nous avons devant nous la sainte Ecriture ; et il n’y a pas de mot qu’elle emploie plus souvent que celui de la crainte de Dieu.  » Vous-mêmes les Saints, craignez le Seigneur.  » Rien n’est plus recommandé dans les psaumes qui nous disent : » la crainte de Dieu est le commencement de la Sagesse. » Il faut donc qu’il y ait chez l’homme un penchant contraire pour que le Saint-Esprit y insiste tant.
HORS de la vie pratique cela semblerait un paradoxe. Cependant quand on regarde la plupart des hommes on voit que ce qu’ils craignent le moins, c’est Dieu. Ils le blasphèment , lui désobéissent et entassent des sophismes contre lui pour tendre des pièges aux autres. Enfin, Dieu étant ce qu’il est, c’est un problème de reconnaître qu’il n’est pas craint. S’il l’ était, 1’homme remonterait tout de suite. Cette crainte le préserverait de beaucoup de malheurs et serait pour lui un principe de vie : aussi le Saint-Esprit le donne – t – il pour base.
COMBIEN nous avons besoin d’ouvrir les yeux ! Dans Isaïe, il ne s’agit pas d’ un homme ordinaire, mais de 1 ‘ humanité de N. S. Le prophète nous dit ,que de la tige de Jessé sortira une branche, et de cette branche une fleur sur laquelle se reposera l’Esprit du Seigneur.  » L’Esprit de Sagesse et d’ Intelligence, l’Esprit de Conseil et de Force, l’Esprit de Science et de Piété, et elle sera remplie de  » l’Esprit de la Crainte de Dieu. » Ainsi voilà cette nature humaine de Notre Seigneur, ce chef-d’œuvre de puissance et d’amour, cette créature aussi aimée que possible, qui à peine conçue est unie hypostatiquement au Verbe, et qui pourtant ne sera pas exempte de la Crainte de Dieu ; elle éprouvera ce sentiment de respect et de tremblement devant la majesté divine. L’Évangile nous le représente passant des nuits humblement prosterné en prière devant son Père. Il s’est fait homme et a voulu nous servir de modèle.
COMMENT ce sentiment fondamental ne serait -t-il pas en nous?
Mettons toute notre énergie à le retenir ; nous en avons besoin ,tellement nous sommes fragiles, volages et prompts à changer. Voilà la leçon donnée. Ainsi le Saint Esprit a commencé ses opérations par la crainte de Dieu ; et l’humanité de Notre Seigneur étant une pure créature ,il devait suivre cette même voie. Vous voyez par là de quelle manière l’âme doit se présenter devant Dieu et être toujours prête lutter contre ce qui lui ferait obstacle. Un premier sentiment auquel elle doit faire appel sans cesse et qui est très salutaire c’est de trembler devant la Majesté de Dieu. Et pourquoi n’agirions nous pas ainsi puisque les Anges eux-mêmes, glorifiés dans l’allégresse et la plénitude de l’amour, où ils sont,, éprouvent ce sentiment de crainte, tremunt potestates.
VOILA la base de toute: vie chrétienne : on ne peut en chercher une autre.
DE. faux mystiques, au XVII Siècle, voulurent abolir cette crainte de Dieu ; aussi l’Église les condamna. A leur tête, un grand archevêque, séduit par son imagination trop philosophique, et perdant de vue la condition de la nature humaine, voulut tout rendre exclusivement par l’amour sans mettre la crainte en regard. C’était une inconséquence. S’il avait lu Isaïe, il aurait vu que N. S. lui-même n’était pas exempté de ce sentiment de crainte et il n’aurait pas dit cela. L’ Église a condamné ces théories; nous en parlerons lorsque nous serons arrivés à la théologie mystique.
AINSI avant tout sentiment de crainte se portant sur un point ou sur l’autre, c’est un sentiment général de crainte de Dieu qui doit exister dans l’âme. Dieu doit être craint : c’est notre intérêt mais c’est surtout une justice qui lui est due.
IL y a loin de là à la familiarité d’aujourd’hui. Combien d’ âmes voulant servir Dieu n’ont pas cette racine, et c’est ce qui explique la pauvreté de leur avancement, tant de chutes, de glissades terribles ! Elles manquent de ce sentiment fondamental de la crainte de Dieu. On lira cent fois: Timete Dominum, et on n’y fera aucune attention. Le sens spirituel est si grossier de nos jours! tout est dans le confortable; on est préoccupé d’une foule de choses, et on oublie la principale. Si l’on demandait à un païen, à qui l’on aurait donné les Écritures à lire, quel est le point le plus recommandé, il dirait sans hésiter:  » La crainte de Dieu « . Il suffit de prendre une concordance pour s’en convaincre. Mais aujourd’hui on se familiarise avec toute espèce de choses et de personnes et finalement avec Dieu.  » Moi je ne crains pas le Bon Dieu! » Voilà un mot que l’on entend dire à une foule de personnes. Ce n’est pas là le langage de J. C. et l’on s’étonne ensuite de ne pas faire de progrès dans la vie spirituelle. Les anciens saints se sont formés par les Saintes Écritures: ce n’est que là et dans les décisions de l’Église que nous pourrons nous faire le jugement. Mais pour cela il ne faut pas prendre de sottes habitudes. Il ne faut pas seulement prêter une attention générale aux mots, mais les scruter, les peser les uns après les autres, se dire: il y a ceci, il y a cela. Si le sentiment de la crainte ne nous eut pas été aussi nécessaire, il n’en eut pas coûté beaucoup à l’Esprit-Saint d’y substituer autre chose.
L’APOTRE du reste nous donne l’explication de cette nécessité de la crainte de Dieu. » Vous portez, nous dit-il, la grâce de Dieu dans des vases d’ argile.  » Quand un vase est à la fois précieux et fragile on fait bien attention pour qu’il ne se heurte nulle part. Nous éprouvons une crainte permanente, mêlée de jouissance, lorsqu’il s’agit de le transporter. On ne le verra pas sans appréhension dans les mains d’autrui. On tremble pour le sort de ce vase et pour la liqueur qu’il contient. Nous aussi nous portons une liqueur du ciel dans des vases de terre,  » vasis fictilibus, » c. à d que nos moyens de conservation sont très faibles. Nous devons sans cesse demander à Dieu son secours pour que le vase nu soit pas brisé et que son contenu ne se dissipe pas.
VOILA donc un principe posé. Nous pouvons nous y appuyer désormais: et nous avancerons en exposant toujours la doctrine de l’Église et des Saintes Écritures, sans lesquelles on- ne fait rien. C’est ainsi qu’on faisait autrefois. Actuellement on lit de petits livres, on fait d’interminables conversations spirituelles, et on ne sent pas l’inanité de tout cela. Aussi à quel état en est réduite la piété chrétienne aujourd’hui ! Et si Dieu n’y mettait la main, il y aurait encore plus de dégât. Le nombre des justes serait encore plus petit  » et non est qui recogitet in corde suo. » Mais pour nous moines, il ne doit pas en être ainsi. Nous devons avoir des idées sérieuses; et tout ce qui sert à les éclairer, les compléter, les nourrir et les rendre pratiques, doit être l’objet de notre attention. Par ce• moyen nous ne perdrons pas notre temps.

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