domingo, 27 de novembro de 2016

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault (Fontgombault, le 27 novembre 2016)




PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT


Hora est jam nos de somno surgere. L’heure est venue de sortir du sommeil. (Rm. 13, 11-14 et Lc 21, 25-33) Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils, LES TEXTES DE LA MESSE de ce jour sont une puissante invitation à réorienter sans délai nos vies. Le temps de l’Avent, avec le début de l’année liturgique et la préparation à la fête de Noël, entre dans cette perspective.  Réorienter sa vie, c’est se mettre, se remettre en route, tout en évitant de faire fausse route. L’heure est désormais venue de sortir du sommeil.

L’heure de l’espérance et de la joie est arrivée à l’aube d’un jour qui est nouveau : la nuit s’achève, les ténèbres se dissipent. Le Seigneur, notre unique espérance, approche. Allons-nous répondre à son appel ? Allons-nous l’attendre ? Se mettre en route implique d’être éveillé et donc parfois de devoir lutter contre le sommeil. De quel sommeil s’agit-il ? Du sommeil qui s’installe dans le tourbillon de la vie et qui fait oublier l’essentiel : un regard de contemplation vers Dieu, le dialogue intime avec lui, sa rencontre à travers le prochain.

Si la voix du Seigneur semble lointaine à nos cœurs envahis par le vacarme de nos cités, si le Seigneur-même paraît étranger à notre vie, alors probablement, nous dormons… Nous savons d’expérience qu’il est un domaine où peu de monde a besoin de somnifères : le domaine moral et spirituel… on s’y endort facilement. Ce n’est pas le sommeil, que l’on souhaite ponctuel, de celui qui s’assoupit lors d’une homélie ou d’une oraison. Non, il s’agit d’un sommeil qui enveloppe et qui éteint toute une vie. Comme un marin endormi à la barre de son navire, voguant au gré des courants et des vents dominants, l’homme libéré de Dieu se laisse asservir par d’autres dieux : l’argent, les passions, les succès faciles, le « m’as tu vu ».

Mettant au placard la question du sens de la vie, la préparation de la rencontre avec Dieu qui surviendra au terme de celle-ci, il s’étourdit et s’engloutit dans l’instant présent, cherchant à assouvir le désir du moment par un plaisir fugace, et n’acceptant pas le regard du Dieu d’amour sur une vie dont il fait mine de croire qu’il est le seul maître. Aujourd’hui, ce sommeil ne touche pas seulement quelques individus. Vivant dans une société pour qui le mensonge est la seule source d’espoir, dans la culture de l’éphémère, du superficiel : nul ne peut se croire indemne. Il n’est pas facile, il faut le reconnaître, de se tenir éveillés au milieu de gens qui dorment.

Il est si doux de s’abandonner au sommeil… de suivre prophètes de mensonges et médias, envoûteurs et marchands de sommeil : « Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin… sous peine de mort… Pas du tout, vous ne mourrez pas ! » (Gn 3,1; 3-4) « Dormez en paix, amusez-vous » disent-ils ! Les vapeurs du sommeil mortifère se sont donc répandues sur les sociétés et sur les institutions mondiales. À force de vouloir voir du bien partout sous l’influence du relativisme, on finit par ne vouloir voir le mal nulle part !

 Juger et parler selon le droit naturel le plus fondamental, c’est se rendre passible des foudres de la loi civile, c’est accepter de s’exposer à la colère des promoteurs d’une humanité sans Dieu, de ceux qui se prennent ou au moins désirent être pris pour Dieu. La belle vie humaine, don de Dieu, se trouve comme aplatie, réduite à une dimension purement horizontale, quand ce n’est pas moins. Dans cette société où l’homme ne sait pas se respecter et s’aimer, les réactions de nos contemporains attestent qu’il vaut mieux parfois être un animal qu’un homme !

 La recommandation du Seigneur faite aux Apôtres le soir du Jeudi saint est claire : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l'esprit est ardent, mais la chair est faible. » (Mc 14,38) Ces paroles ne suffirent pas, et saint Marc se souvient : « De nouveau le Seigneur vint et les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis ; et ils ne savaient que lui répondre. Une troisième fois il vient et leur dit : "Désormais vous pouvez dormir le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levezvous ! Allons ! Voici que celui qui me livre est tout proche''. » (Mc 14,40-42) Le réveil fut rude pour les disciples et les conséquences du sommeil, graves… Le Seigneur sera enlevé aux disciples et livré aux méchants.

Se lever, veiller, prier. Veiller, c’est lever la tête au-dessus des préoccupations, des combinaisons et des compromissions mesquines. C’est ne pas se laisser suffoquer par les fumées d’un monde décadent. Lisons les signes des temps, le Seigneur est proche. Entrons humblement dans le plan de Dieu. Là est notre gloire. Devant l’immensité des flots, le marin utilise une boussole. Retrouvons une boussole spirituelle et morale. L’argument du nombre n’a jamais été de soi une référence. Ne nous laissons pas impressionner par le tintamarre de la foule.

À l’école du cardinal Robert Sarah, découvrons la force du silence qui ouvre à la Parole de Dieu. De ce silence naissent la profondeur et la vérité de la prière. À l’image de l’orientation vers le Christ qui vient, lors de la célébration de la Messe, chaque prière, chaque vie, devraient être orientées vers lui, autant que le permettent les limites de notre distraite humanité.

Alors que s’approche la fête de Noël, soyons convaincus que la seule manière efficace de rejeter les œuvres de ténèbres, c’est d’endosser et de faire parler en tous temps et en tous lieux les armes de lumières, armes d’espérance et de joie. Le premier Noël apporta la joie à la sainte Famille. Alors que le monde promeut les familles éphémères qui se séparent sur un coup de tête, travaillons à la paix, à la joie au sein de nos familles. Alors que la violence, l’arrivisme et l’individualisme minent les relations humaines donnons au travail et dans la société le témoignage d’authentiques disciples du Christ.

Toutes les armes se retrouvent dans celle qui est peut-être la moins voyante : l’humilité. Le démon l’ignore, lui qui prétend être comme Dieu. L’humble sait prendre la juste place devant Dieu et devant les autres. Le cardinal Merry del Val, secrétaire d’État de saint Pie X, a composé une litanie de l’humilité profitable à relire et à méditer en ce temps de l’Avent. Marie, parce qu’elle était la toute-petite, a plu au Seigneur. Elle lui a tellement plu qu’il s’est incarné en son sein. Si, comme Marie, nous voulons accueillir le Seigneur, Enfant et humble, redevenons enfants et humbles. Le Seigneur est proche, hâtons-nous à sa rencontre. Réorientons notre vie. Amen